Le hamac, "ce rectangle de temps suspendu dans le ciel " *
Pas une journée où je ne me pose pas dans mon hamac, même pour quelques courtes minutes. Si ce n'était pas le cas, ma journée en serait gachée, le sentiment d'avoir oublié ou raté quelque chose. En fait, je n'y dors que très rarement, préférant lire ou penser, doucement bercé au gré des alizés.
Comment ai-je osé m'en priver toutes ces années, quels rêves calmes et lumineux n'ai-je pas créé, combien de libellules n'ai-je pas observé, nerveuses et colorées, combien de chants d'oiseaux se sont perdus sans que je puisse apprécier leurs mélodies ?
C'est donc cela un "hamac" ?
J'ai du retard à rattraper !...
Pour finir ce message, je ne résiste pas à l'envie de vous ecrire un extrait du livre cité plus bas :
"Un matin que j'écrivais à l'ami, (...) une jeune femme se présenta sous la véranda de Maraponga. Je quittai ma table pour l'accueillir. Elle demandait l'autorisation d'attendre là que la pluie cesse.
Or il ne pleuvait pas.
Ciel radieux, même.
C'était une fille d'une trentaine d'année, aux yeux gris, à la robe stricte, cheveux tirés et talons plats. Je ne l'avais jamais vue. Elle ne venait ni de la favela ni des maisons voisines. Soledad lui proposa une tasse de thé. Elle préféra de l'eau de coco. Quand nous revînmes avec la noix tranchée, elle était installée dans le hamac, à surveiller le ciel.
J'ai repris ma lettre à l'ami, ravi de cette aubaine anecdotique. De temps en temps, je jetais un coup d'oeil à notre visiteuse par les persiennes qui rayaient mon bureau. Bien que Soledad lui supposât une cabeça fraca (un léger grain), elle sirotait son eau de coco avec une parfaite tranquilité. Rien d'autre dans son attitude que la sage patience d'une femme qui attend la fin d'une averse pour reprendre sa route.
Quand je racontais la chose à Geraldo Markan, il répondit, le plus sérieusement du monde :
- C'est qu'il devait pleuvoir ailleurs*."
* Le dictateur et le hamac - Daniel PENNAC, à lire absolument